Est-il possible de devenir propriétaire en Suisse sans fonds propres ?
En Suisse, l’acquisition d’un bien immobilier exige généralement un apport personnel d’au moins 20 % du prix d’achat, dont une partie en liquidités. Cette règle constitue un obstacle majeur pour de nombreux ménages. Pourtant, certaines alternatives permettent d’envisager l’accession à la propriété même en l’absence de fonds propres traditionnels:
- Utilisation des avoirs de prévoyance (LPP, 3ème pilier)
- Mise en gage d'un bien immobilier existant
- Avance sur héritage ou donation
- Prêt de tiers
- Cautionnement d'une coopérative
Cette règle des 20 % de fonds propres a pour but de limiter les risques liés à l’endettement, tant pour les emprunteurs que pour les établissements financiers. En exigeant un apport personnel, les banques s’assurent que l’acheteur dispose d’une capacité d’épargne minimale et d’une certaine stabilité financière. Cela permet de réduire le risque de défaut de paiement et contribue à prévenir une surchauffe du marché immobilier en évitant un accès trop facile au crédit.
1. Utilisation des avoirs de prévoyance
Les avoirs de prévoyance peuvent être utilisés de plusieurs façons pour devenir propriétaire, à travers la mise en gage et retrait, soit via le 2ème pilier, soit via le 3ème pilier.
Mise en gage
La mise en gage consiste à utiliser ses avoirs de prévoyance (3ème ou 2ème pilier) comme garantie pour obtenir une hypothèque plus élevée, sans retirer les fonds. Cette solution permet à l’acheteur de compenser un manque de liquidités tout en maintenant son capital de prévoyance intact, ce qui évite une perte de prestations en cas d’invalidité.
Concrètement, la banque inscrit les avoirs comme garantie supplémentaire, et les conditions sont similairesau retrait. L’avantage principal est fiscal: les avoirs mis en gage restent investis et continuent de générer des intérêts ou rendements. En revanche, cela implique souvent de supporter des charges d’intérêt plus élevées, car l’établissement prêteur assume un risque plus important. Il est donc essentiel de vérifier sa capacité à couvrir les coûts à long terme.
Retrait EPL
Le retrait EPL (Encouragement à la propriété du logement) permet d’utiliser les avoirs de prévoyance pour financer directement l’achat d’un logement principal. Il s’applique aux fonds du pilier 3a et du 2ème pilier (LPP). Contrairement à la mise en gage, le capital est effectivement retiré du compte ou de la caisse de pension pour être versé dans le financement du bien.
Dans le cas du 2ème pilier, le retrait est possible jusqu’à l’âge de 50 ans pour l’intégralité du capital épargné. Au-delà, le montant est limité. Ce retrait est soumis à conditions: le logement doit servir de résidence principale, et l’accord du conjoint est obligatoire. Pour le 3ème pilier lié (3a), le capital peut également être débloqué dans le cadre de l’EPL, sous réserve qu’il serve à l’achat, la construction ou l’amortissement du prêt hypothécaire. Le 3ème pilier libre (3b) n’est pas encadré par la loi mais peut être utilisé librement, par exemple en retirant un contrat d’assurance-vie.
Cette option augmente la capacité de financement mais a un coût : chaque retrait réduit les prestations de prévoyance future (retraite, invalidité, décès) et entraîne une imposition immédiate du capital retiré, à un taux préférentiel mais non négligeable.
2. Mise en gage d'un bien immobilier existant
Si vous ou un proche possédez déjà un bien immobilier, celui-ci peut être utilisé comme garantie pour l’achat d’un nouveau logement. Il s’agit ici de mettre en gage un bien existant, partiellement ou en totalité, afin de convaincre la banque d’accorder une hypothèque sans fonds propres en liquidités.
Ce montage repose sur la valeur résiduelle nette du bien immobilier mis en garantie : plus l’hypothèque restante est faible, plus la valeur gageable est élevée. Par exemple, si un bien d’une valeur de CHF 800’000 n’a plus qu’une hypothèque de CHF 300’000, la différence (CHF 500’000) peut servir de couverture pour garantir un second emprunt.
Cette stratégie est surtout envisageable dans un cadre familial (parents souhaitant aider leurs enfants) ou pour des investisseurs détenant déjà un bien. Elle nécessite cependant une analyse rigoureuse de la situation financière globale, car elle augmente l’exposition au risque en cas de baisse de valeur des biens ou de difficultés de remboursement.
3. Avance sur héritage
L’avance sur héritage permet à un parent de transmettre une partie de sa future succession à un enfant de son vivant, afin de l’aider à financer l’achat d’un bien immobilier. Ce montant peut servir à constituer tout ou partie des fonds propres exigés par la banque. L’opération est souvent considérée comme une donation anticipée et doit idéalement être formalisée par un acte notarié pour éviter tout litige ultérieur entre héritiers.
C’est une solution avantageuse sur le plan fiscal et successoral, qui permet de faciliter l’accès à la propriété tout en optimisant la transmission de patrimoine. Il est toutefois essentiel d’informer les autres héritiers, car l’avance sur héritage sera en principe rapportée à la succession, sauf disposition contraire. Une planification claire et transparente est donc indispensable.
4. Prêts de tiers
Lorsqu’un acheteur ne dispose pas des fonds propres requis, un prêt accordé par un tiers (souvent un membre de la famille ou un proche) peut constituer une alternative temporaire pour compléter l’apport. Contrairement à une donation ou à une avance sur héritage, il s’agit ici d’un montant remboursable, généralement sans intérêts ou à des conditions avantageuses. Cette solution peut permettre de boucler le financement, à condition que le tiers prêteur ait une capacité financière suffisante et accepte les risques associés.
5. Cautionnement d'une coopérative
Le cautionnement est une solution qui permet à une coopérative de cautionnement (reconnue par la Confédération) de se porter garante auprès de la banque pour un emprunteur. Cela signifie que si l’emprunteur ne rembourse pas le prêt, la coopérative s’engage à couvrir une partie du risque, jusqu’à concurrence de CHF 1’000’000.–. Ce mécanisme est surtout utilisé par les PME, notamment pour les aider à obtenir un financement lors d’une création d’entreprise, d’un investissement ou d’une reprise.
Dans le cadre de l’accès à la propriété, une telle structure peut intervenir dans certains cas pour garantir une partie du prêt hypothécaire, lorsque l’acquéreur ne dispose pas de fonds propres suffisants mais présente une situation économique saine. La demande se fait en plusieurs étapes (formulaire, entretien, analyse de solvabilité), et le cautionnement facilite ainsi l’octroi du crédit par la banque en réduisant le risque perçu.
Ce à quoi il faut faire attention
Avant de se lancer dans un achat immobilier sans fonds propres, il est essentiel d’évaluer rigoureusement sa capacité financière à long terme. Une charge hypothécaire trop élevée ou une baisse de revenu imprévue peut rapidement mettre en péril l’équilibre budgétaire du ménage. De plus, certaines solutions comme le retrait de la prévoyance ou le recours à des tiers impliquent une réduction des protections sociales ou des obligations envers son entourage.
Il est donc fortement recommandé de se faire accompagner par un conseiller financier indépendant, afin de mesurer les risques, comparer les options et construire un projet solide et durable.