Qu’est-ce que l’impôt sur la fortune en Suisse ?
L’impôt sur la fortune est un impôt cantonal et communal prélevé chaque année sur la fortune nette des personnes physiques, soit l’ensemble des biens (comptes, titres, immeubles, métaux précieux, etc.) après déduction des dettes.
Il complète l’impôt sur le revenu et représente environ 10 % des recettes fiscales des cantons et communes. Contrairement à la plupart des pays européens, la Suisse a conservé cet impôt, supprimé au niveau fédéral depuis 1959.
Comment est calculé l'impôt sur la fortune ?
L’impôt sur la fortune repose sur la valeur nette du patrimoine, soit la totalité des actifs diminués des dettes établies.
1. Détermination de la fortune imposable
En Suisse, la base de calcul de l’impôt sur la fortune est la fortune nette, c’est-à-dire la valeur de l’ensemble des biens du contribuable, diminuée des dettes établies.
La fortune imposable inclut un large éventail d’éléments. On y retrouve d’abord les avoirs bancaires, qu’il s’agisse de comptes courants, d’épargne, de dépôts postaux ou encore de cryptomonnaies, qui sont désormais explicitement intégrées dans le patrimoine imposable. Les titres tels que les actions, obligations, parts de sociétés à responsabilité limitée, coopératives ou encore options font également partie de la fortune imposable, tout comme les parts dans des fonds de placement suisses ou étrangers.
Le calcul prend aussi en compte les immeubles (habitations, terrains, locaux commerciaux), évalués à leur valeur vénale ou de rendement selon les cantons, ainsi que les créances et prêts privés, les assurances en capital ou de rentes susceptibles de rachat, et même des éléments patrimoniaux plus spécifiques comme les métaux précieux, les véhicules, bateaux ou caravanes, ou encore les collections, œuvres d’art et bijoux.
2. Détermination de la fortune imposable
Une fois les éléments de fortune identifiés, leur valeur doit être estimée afin de calculer la base imposable. Le principe général retenu par la législation suisse est celui de la valeur vénale, c’est-à-dire le prix que l’on pourrait obtenir sur le marché dans des conditions normales de vente.
Pour les titres cotés en bourse (actions, obligations, fonds négociés), la valeur fiscale correspond au dernier cours officiel publié au 31 décembre de l’année fiscale.
Les titres non cotés, comme les actions de sociétés privées ou familiales, ne disposant pas de cours officiel, font l’objet d’une estimation spécifique. Les autorités fiscales combinent généralement deux approches : la valeur de rendement, qui capitalise les bénéfices de l’entreprise, et la valeur intrinsèque, qui tient compte des fonds propres et de l’actif net. Des directives nationales (circulaire 28 de la Conférence suisse des impôts) permettent d’harmoniser cette évaluation entre cantons.
Concernant les immeubles, les méthodes varient selon la localisation. Certains cantons appliquent directement la valeur vénale, proche du prix du marché. D’autres préfèrent la valeur de rendement, calculée à partir des loyers réels ou théoriques, notamment pour les biens locatifs et agricoles. Dans de nombreux cas, une combinaison des deux méthodes est retenue pour aboutir à une valeur pondérée.
3. Déductions
Toutes les dettes effectivement dues sont déductibles: hypothèques, crédits à la consommation, emprunts privés ou bancaires. En revanche, les dettes purement éventuelles ou les garanties (par exemple un cautionnement) ne sont déductibles qu’en cas de mise en gage effective. Lorsqu’un contribuable détient des biens imposables dans plusieurs cantons, ses dettes sont réparties proportionnellement à la valeur de ces biens.
Pour tenir compte de la situation personnelle et familiale, chaque canton prévoit des déductions sociales. Elles varient mais concernent généralement :
- une déduction personnelle accordée à tout contribuable
- des déductions spécifiques pour les couples mariés, les rentiers AVS ou AI, et les familles avec enfants ;
- un minimum imposable, c’est-à-dire un seuil de fortune en dessous duquel aucun impôt n’est prélevé.
Plusieurs cantons adaptent régulièrement leurs déductions ou barèmes à l’inflation afin d’éviter une progression à froid, c’est-à-dire une hausse mécanique de la charge fiscale liée uniquement à la dépréciation monétaire. En pratique, ces déductions peuvent faire une différence notable, notamment pour les ménages modestes ou les couples mariés dont la fortune est cumulée pour la taxation.
4. Barèmes et taux d’imposition
La majorité des cantons appliquent un barème progressif, où le taux d’imposition augmente par paliers en fonction de la valeur de la fortune imposable. Plus la fortune est élevée, plus le taux marginal grimpe. Cela reflète le principe de la capacité contributive.
Quelques cantons, en revanche, privilégient un taux proportionnel (ou linéaire), où le même pourcentage s’applique quelle que soit l’importance de la fortune. C’est notamment le cas de cantons comme Lucerne, Uri, Schwytz, Obwald, Nidwald, Appenzell Rhodes-Intérieures, Saint-Gall ou Thurgovie.
Dans de nombreux cantons, le barème légal de base (appelé aussi « impôt simple ») est multiplié par un coefficient annuel fixé par le parlement cantonal ou la commune. Ce système permet d’adapter les recettes fiscales aux besoins budgétaires. Les communes prélèvent souvent leur propre part sous forme de « centimes additionnels » ajoutés à l’impôt cantonal.
Dans la plupart des cantons, les Églises nationales (réformées et catholiques) prélèvent également une contribution basée sur la fortune. Cet impôt est en principe obligatoire pour leurs membres, sauf dans certains cantons (Genève, Neuchâtel, Tessin) où il est facultatif.
5. Franchise
Les cantons prévoient une franchise, aussi appelée minimum imposable. Concrètement, cela signifie qu’en dessous d’un certain montant de fortune nette, aucun impôt n’est perçu.
Le seuil varie fortement selon les cantons. Dans certains, la taxation ne commence qu’à partir d’une fortune imposable de quelques dizaines de milliers de francs, tandis que dans d’autres, la franchise est fixée beaucoup plus haut, parfois au-delà de 100 000 CHF. Ce mécanisme vise à épargner les patrimoines modestes et à concentrer l’imposition sur les contribuables disposant d’une capacité financière significative.
Qui est concerné par l'impôt sur la fortune ?
L’impôt sur la fortune touche toutes les personnes physiques domiciliées en Suisse. L’assujettissement est dit illimité : ces contribuables sont imposés sur l’ensemble de leur fortune mondiale, après déduction des dettes.
Les personnes domiciliées à l’étranger peuvent aussi être concernées, mais de manière limitée. Elles ne paient alors l’impôt que sur les biens situés en Suisse, par exemple :
- un immeuble dans le canton
- une entreprise ou un établissement stable exploité en Suisse
- des créances garanties par un bien immobilier sis en Suisse
Situation familiale
Les couples mariés vivant en ménage commun sont imposés conjointement: leurs fortunes s’additionnent, ce qui peut augmenter la charge fiscale. La plupart des cantons accordent toutefois des allégements (barèmes adaptés, déductions).
La fortune des enfants mineurs est en principe ajoutée à celle du parent qui détient l’autorité parentale. Dès 18 ans, l’enfant est imposé séparément.
Quel sera le taux appliqué ?
Les taux d’imposition sur la fortune varient fortement selon les cantons et communes, car il n’existe aucun taux fédéral uniforme.
Les taux les plus bas se situent autour de 0.1 ‰ (0.01 %) pour les patrimoines modestes dans certains cantons. Il peut grimper jusqu’à environ 3.5 ‰ à 4 ‰ (0.35 % à 0.4 %) par tranche pour les grandes fortunes, selon le canton et la commune.
À Genève, le barème est progressif: il démarre à 1.75 ‰ et peut dépasser 4 ‰ pour les très grandes fortunes. Dans des cantons comme Schwytz ou Zoug, réputés attractifs fiscalement, les taux sont beaucoup plus bas.
Outil de calcul de l'impôt sur la fortune
Pour estimer précisément la charge fiscale liée à votre patrimoine, il est possible d’utiliser le simulateur fiscal officiel de l’Administration fédérale des contributions (AFC). Cet outil en ligne couvre l’ensemble des communes suisses et permet de calculer non seulement l’impôt sur la fortune, mais aussi l’impôt sur le revenu, le bénéfice, le capital, ainsi que les droits de succession et les prestations en capital issues de la prévoyance